Dans notre culture occidentale, la femme a fini d’accoucher lorsque le bébé est sorti. Elle remet ensuite tout son pouvoir (si ce n’est déjà fait avant) de la naissance entre les mains du médecin qui sortira pour elle son placenta. Il est commun de croire que ce placenta doit sortir au plus vite, dans les 10 minutes après la naissance. Or à force de presser sa sortie, on augmente bien souvent le risque d’hémorragie du postpartum. Pour le faire sortir vite, le médecin injectera de l’ocytocine, appuiera souvent de manière brusque sur le ventre de la mère et tirera légèrement sur le cordon ombilical. Or cette gestion active chez la femme à bas risque augmente le taux d’hémorragie de 3% à 7% !!!
De plus, les futures mamans préparent activement la naissance de leur bébé mais la plupart du temps, la préparation à la naissance s’arrête à la sortie du bébé. Personne ne vous prépare à faire naitre votre placenta, ni ne vous explique son rôle et ses vertus après la naissance car cet organe aux mille vertus est traité avec dégoût comme un déchet hospitalier.
Les étapes de la naissance
En gynécologie, il y a 3 étapes : le travail, la poussée et la sortie du placenta. Après la naissance du bébé, il reste donc le placenta à sortir. En fait, on ne pourra réellement dire que la naissance est terminée qu’une fois le placenta complètement sorti. Ce troisième stade comprend bien plus que la naissance du placenta. En effet, en attendant sa sortie, la mère et le nouveau-né apprennent à faire connaissance, à se découvrir l’un et l’autre. Le bébé peut s’attacher déjà au sein pour la première fois…
Selon les étapes holistiques de la naissance décrites par la Canadienne Karine la Sage-Femme et par l’Américaine Whapio Diane Bartlett, la naissance ne se déroule pas en 3 étapes (travail, poussée, placenta) mais en bien plus d’étapes que trois. Elles nomment ainsi l’étape de la naissance du placenta : l’émergence. N’y a-t-il pas là une belle symbolique ? L’émergence de celui-ci qui aura nourri le bébé pendant 9 mois !
La femme est donc tout à fait capable de sortir donc son bébé ET son placenta par elle-même.
Comment faire naitre votre placenta ?
La naissance du placenta se fait grâce à l’ocytocine sécrétée en abondance par la mère encouragée par la première rencontre avec son bébé ou le premier peau à peau. La nature a tout prévu et est plutôt extraordinaire. Lors du premier contact peau à peau entre la mère et son enfant dès son arrivée, cela va comme donner à la mère un shoot énorme d’ocytocine. À ce moment de la naissance, cette ocytocine, cette hormone extraordinaire, va avoir plusieurs rôles importants : elle permet le lien d’amour entre la maman et son bébé, ainsi que l’érection des mamelons de la maman et l’éjection du premier colostrum pour donner envie au bébé de venir s’accrocher au sein.
Et enfin, cette ocytocine va permettre l’arrivée des dernières vagues (contractions) pour permettre au placenta de se décrocher délicatement et de sortir.
Après la naissance du placenta, l’ocytocine va permettre à l’utérus de se contracter pour rétrécir et contracter toutes les petites artères/artérioles qui pourraient saigner. Il va de soi qu’au plus la mère peut sécréter sa propre ocytocine via un environnement propice, au plus l’utérus pourra se contracter facilement pour faire naitre le placenta sans risque en diminuant très fortement ce risque d’hémorragie du postpartum.
Comment aider la mère à sortir son placenta ?
Il faut favoriser cette sécrétion naturelle d’ocytocine de la mère. Pour cela, il faudra continuer à respecter la physiologie de la naissance : NE PAS INTERVENIR!!! Les professionnels devront faire confiance à la mère, la rassurer sur le fait qu’elle peut y arriver, continuer de chuchoter tout bas, garder les lumières tamisées, respecter l’intimité des parents et surtout laisser le bébé en peau à peau ! Faire en sorte que la mère puisse continuer à sécréter toute la puissance de son ocytocine naturelle !!!
C’est lors de cette partie de la naissance que la peur des saignements incontrôlés arrive. La femme oublie sa capacité d’accoucher de son placenta et a peur, vu que le médecin lui a pris ce pouvoir à l’arrivée de bébé. Il appuie sur son ventre, tire sur le cordon et lui injecte d’emblée l’ocytocine. C’est donc bien cette peur transmise par le médecin à la femme qui est responsable en grande partie de ces saignements excessifs vu qu’elle va diminuer la concentration d’ocytocine sécrétée par la femme à cause de l’adrénaline. Elle en oublie sa capacité d’accoucher elle-même de son placenta, a peur et donc sa sécrétion d’ocytocine naturelle diminue.
Beaucoup d’actes médicaux réalisés sur les femmes en train d’accoucher augmentent sérieusement leur risque d’hémorragies. D’une part, tous ces actes médicaux sont source de stress pour la mère. Elle perd sa confiance qu’elle peut accoucher elle-même. Elle prend peur. Il est facile d’en comprendre le mécanisme physiologique puisque la peur fait diminuer la concentration d’ocytocine de la mère. Or cette ocytocine est primordiale pour assurer des bonnes contractions pour faire sortir le placenta et ensuite aider l’utérus à se contracter à nouveau pour rétracter les artères qui saignent et stopper donc leur saignement.
Que disent des études scientifiques et quels sont ces actes médicaux dangereux ?
Prenons l’exemple de cet acte médical si répandu : l’injection presque systématique d’ocytocine lorsque le travail soi-disant ralentit (encore un autre débat). Cette injection soi-disant banale va intensifier la douleur de la femme qui demandera plus rapidement la péridurale. La péridurale entrainant un ralentissement du travail fait que les praticiens renforcent les doses d’ocytocine, ce qui augmente jusqu’à 5 fois (oui, vous lisez bien : jusqu’à 5 fois) le risque d’hémorragie de la délivrance. Après la naissance, trop fatigué par les injections d’ocytocine, l’utérus ne pourra pas se contracter comme il devrait pouvoir le faire par manque de force. De plus, en cas d’hémorragie après la sortie du placenta, l’injection d’ocytocine sera d’autant plus efficace pour contrôler l’hémorragie si la femme n’en a pas reçu pendant son travail.
Les études menées par Kathleen Fahy ont montré que laisser la femme accoucher de son placenta selon l’approche psycho-physiologique réduit bien les risques d’hémorragies du postpartum.
En très résumé, cette approche psycho-physiologique implique que durant l’accouchement du placenta, la mère et la sage-femme doivent restées connectées et continuent de travailler ensemble pour respecter la sortie physiologique du placenta. La sage-femme devra nourrir la confiance de la nouvelle mère et continuer à la sécuriser. Toutes deux savent que la naissance n’est pas terminée tant que le placenta n’est pas né. La mère accepte ce plongeon total dans l’ocytocine. Et cette mère aura aussi été préparée à faire naitre son placenta durant la préparation à la naissance. Elle aura une grossesse normale, et une naissance physiologique.
Allons plus loin
Références
- Birht Territory and Midwifery Guardianship, theory for practice, education and research, edited by Kathleen Fahy, Maralyn Foureur, Carolyn Hastie.
- Belghiti J., Kayem G., Dupont C. et al., « Ocytocin during labour and risk of severe postpartum haemorrhage: a population-based, cohort-nested case-control study », BMJ Open, Reproductive medicine, obstetrics and gynaecology, 21 décembre 2011.
- Fahy K. (2009), « Third Stage of Labour Care for Women at Low Risk of Haemorrhage », Health, 54 (5):380-386.
- Fahy, K., Hastie, C. et al. (2010), « Holistic physiological care compared management of the third stage of labour for women at low risk of haemorrhage: a cohort study », Women & Birth, 23: 152-164.
- Fahy & Hastie, Midwifery Guardianship[V1] .
- Hastie C., Fahy K. (2009), « Optimising psychophysiology in third stage of labour: Theory applied to practice », Women and Birth, 22: 89-96.
- Lemay C., La gestion active du 3e stade dans un contexte de formation en urgences obstétricales pour sages-femmes, Commentaire, 2013.
- NZCOM. Consensus statement: Facilitating the birth of the placenta. (http://www.midwife.org.nz/quality-practice/nzcom-consensus-statements)
- Odent M., « New reasons and new ways to study birth physiology », International Journal of Gynecology & Obstetrics, 2001:75 (Suppl.):S38-45.
- www.karinelasagefemme.com
Wafellman Stéphanie :
Merci pour cet article. Cette injection d’ocytocine pour limiter le risque hémorragique est difficile à éviter en structure hospitalière car elle fait partie des recommandations de l’oms. C’est bien dommage!
Caroline de Ville :
En effet. Et malheureusement, souvent elle est aussi nécessaire tant les gynécos ne font pas confiance aux mères (du coup, elles ont plus de chance de saigner). Mais à force de faire de la prévention et des articles et de montrer des études, on va y arriver 🙂
SAN MARTIN :
Bonjour, merci pour ces informations.
Ou est il possible de trouver une étude signifiant le manque d’intérêt d’injection d’ocytocine de synthèse au moment du passage des épaules de bébé. En effet je souhaiterais le présenter à la SF hospitalière pour appuyer mon refus d’en avoir.
Merci
Isabelle Cote :
Bonjour, Caroline vous recommande le livre de Marie-Helene Lahaye,juriste qui balaie un paquet d’etudes cliniques: accouchement les femmes méritent mieux