Pourquoi l’accouchement médicalisé Est mauvais pour l’allaitement ?
La Belgique détient un des taux d’allaitement les plus bas en Europe : 13 % des mamans allaitent encore 6 mois après l’accouchement en Wallonie1 contre 25 % en Europe2. Cela pose question pour la Wallonie puisque l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) recommande l’allaitement exclusif jusque 6 mois et l’allaitement mixte accompagné de la découverte alimentaire jusque 2 ans.
Il y a beaucoup de raisons qui expliquent ces chiffres bas : les fausses croyances sur l’allaitement, la peur, la reprise du travail après 3 mois, notre culture occidentale … et les accouchements d’emblée médicalisés à l’hôpital.
Dans cet article, je vais surtout m’attarder sur ces accouchements médicalisés non nécessaires. Mais également sur les raisons pour lesquelles l’accouchement médicalisé et l’allaitement ne font pas bon ménage ?
L’intraveineuse
Lorsqu’une maman arrive pour donner naissance à l’hôpital, celle-ci se voit bien souvent directement poser une voie intraveineuse « en cas de complication ».
Or, ces perfusions de liquides vont augmenter l’œdème4 de l’aréole mammaire. Cela veut dire que l’aréole mammaire sera plus enflammée (remplie de liquide). Le bébé aura donc plus de difficultés à s’accrocher au sein de sa maman. Qui dit mauvaise prise du sein, dit mauvaise stimulation mammaire et mauvaise vidange mammaire. Et c’est le début du cercle vicieux qui fait que la production de lait de la maman est diminuée et que le bébé perd du poids ou n’en prend pas suffisamment, etc.
Par ailleurs, mettre une voie d’entrée intraveineuse augmente le risque d’hyponatrémie3 qui va augmenter le temps de travail et donc le risque d’instrumentation et de césarienne d’urgence – j’y reviendrai plus loin.
L’induction du travail par l’ocytocine
L’ocytocine est l’hormone qui contracte l’utérus. Cette hormone peut être utilisée pour soutenir les contractions de la maman ou pour induire le travail. Quel impact sur l’allaitement ?
D’abord, elle doit être administrée via une perfusion intraveineuse dont vous connaissez maintenant les conséquences sur l’allaitement.
Par ailleurs, l’ocytocine est aussi un antidiurétique qui empêche les fluides excédants d’être éliminés par les reins, ce qui augmente encore davantage l’œdème periaérolaire qui complique le démarrage de l’allaitement.
Elle est également vasodilatatrice, c’est à dire qu’elle ouvre les vaisseaux sanguins périphériques, envoyant le sang en périphérie et laissant moins de sang dans l’utérus qui est donc moins bien oxygéné, ce qui rendra les contractions plus douloureuses5. Les femmes ont donc plus souvent recours à la péridurale (dont je reparlerai de l’impact).
Enfin, il a été démontré que l’ocytocine synthétique diminue la sécrétion de l’ocytocine naturelle le deuxième jour après l’accouchement6. Cette ocytocine naturelle appelée la « love hormone » est justement l’une des hormones clés pour bien démarrer l’allaitement.
La péridurale
La péridurale est toujours associée à une perfusion intraveineuse, à de l’ocytocine et à des médicaments appelés narcotiques. Ces narcotiques vont avoir un effet (même si très léger) sur l’état de conscience du bébé et sur sa coordination motrice. Ainsi, le bébé sera un peu plus endormi, moins vigoureux, et interagira un peu moins avec ses parents. Cela aura comme effets :
- d’abord un retard de la première tétée (qui est la plus importante pour bien démarrer son allaitement) ;
- un bébé qui tètera moins souvent durant les premiers jours et les premières semaines (alors qu’il est très important que bébé tète le plus souvent possible pour stimuler l’allaitement) ;
- mais aussi des tétées moins efficaces car les mouvements des lèvres et de la bouche du bébé seront moins bons.
La césarienne
En plus de tous les effets cités ci-dessus, la césarienne aura encore davantage d’impact sur l’allaitement. Par exemple :
- La mobilité de la maman est limitée pendant plusieurs jours, elle aura donc tendance inconsciemment à proposer le sein moins souvent.
- Le peau à peau7 de 50 minutes qui augmente jusqu’à 8 fois les chances de bien démarrer son allaitement sera, la plupart du temps, retardé, voire même pas proposé du tout. Voir l’article sur le peau à peau et allaitement pour en savoir plus sur ce sujet.
- Les antidouleurs pour soulager la maman auront un léger effet somnolent sur le bébé.
- Enfin, les mamans et leur bébé risquent d’être séparés pour des raisons médicales.
Des études ont montré que les mamans ayant eu une césarienne sont plus susceptibles d’allaiter moins longtemps que les mamans ayant donné naissance naturellement.8
Mais alors que faire ?
Vous préparer à une naissance naturelle, c’est prendre de soin de vous, de votre bébé, de votre allaitement. Mais aussi trouvez des professionnels de la santé qui prendront soin de votre projet de naissance naturelle. En effet, se faire accompagner par une doula, une sage-femme ou une conseillère en allaitement bienveillante peut vraiment faire la différence. Si les mamans comprennent la physiologie de leur corps, elles sauront ce qu’il faut faire. La nature est bien faite. Ainsi on peut lui faire confiance et prendre confiance en ses capacités de femme qui peut donner naissance. Nous sommes toutes capables de donner naissance dans la joie, la bienveillance et sans douleur. Enfin, si vous êtes un professionnel, laissez faire la nature le plus possible. Adoptez une attitude de bienveillance auprès des mamans pour protéger leur accouchement et leur allaitement.
(1) Article de La Libre Belgique écrit par Laurence Dardenne, paru le 30 juin 2017.
(2) OMS, août 2015.
(3) Moen V et al. (2004), Impact of Birthing Practices on Breastfeeding: Protecting the Mother and Baby Continuum.
(4) Miller V et al. (2004), Treating Postpartum Breast Edema with areolar compression.
(5) Horowitz ER et al., Women’s attitude toward analgesia during labora comparison between 1995 and 2001.
(6) Jonas K et al., Effects of Intrapartum oxytocin administration and epidural analgesia on the concentration of plasma oxytocin and prolactin, in response to suckling during the second day postpartum.
(7) The importance of skin to skin contact, Jack Newman, MD, FRCPC, 2005.
(8) Janke JR (1988), Breastfeeding duration following cesarean and vaginal births.
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