La bronchiolite est de retour. On dénombre 64 millions de cas par an et ce sont les petits âgés de 0 à 12 mois qui sont les plus touchés. Les média s’en inquiètent un peu plus chaque jour et pour cause, il semblerait que le nombre de cas augmente de 9% chaque année depuis 1996. La bronchiolite touche 30% de la population des nourrissons en France. C’est un véritable problème de santé publique.
Mais comment en sommes-nous arrivés là ?
LE MICROBE N’EST RIEN, LE TERRAIN EST TOUT.
Claude Bernard
Quel terrain ont en commun tous ces bébés hospitalisés à cause du virus de la bronchiolite ? Que se passe-t-il depuis 1996 ?
Les réponses relèvent du bon sens. Nous allons développer les causes des épidémies récurrentes de bronchiolite. Mais comprenez d’ores et déjà que les voies aériennes supérieures (les narines, le palais, la mâchoire) de l’humain rétrécissent à une vitesse impressionnante de génération en génération. De plus, l’allaitement est écourté en dessous de 3 ans. L’alimentation moderne a tout simplement pris le dessus avec pour conséquence la diminution de notre immunité. Le stress, la médicalisation en général et la pollution de l’environnement contribuent malheureusement à une involution générale.
En cause : les dysfonctions oro-maxillo-faciales
En effet, les bébés touchés par le virus de la bronchiolite ont très souvent, tous en commun, des difficultés d’allaitement, du reflux gastro-oesophagien (RGO) où des pleurs dits inexpliqués.
Un rétrécissement inquiétant des mâchoires
Depuis près d’un siècle, l’être humain vit une involution accélérée du visage. Les mâchoires rétrécissent de manière brutale de génération en génération. Lorsque vous examinez des crânes anciens, ils n’ont pas de carie dentaire, les dents sont parfaitement alignées et les mâchoires sont grandes.
Obervons ce tableau qui compare les chiffres de l’espace inter-molaire des années 1996 à ceux d’aujourd’hui. Les palais ont rétréci de 5 à 20%. Cela est inquiétant parce que la taille de nos voies respiratoires supérieures dépend de la taille du palais qui n’est rien d’autre que le plancher nasal. En plus, notre capacité à garder nos voies respiratoires grandes ouvertes dépend de notre capacité à mettre la langue au palais, de seller les lèvres et de respirer par le NEZ.
Traits communs des bébés souffrant de bronchiolite
- Une position bouche ouverte,
- la langue baissée sur le mandibule inférieur qui entrave l’arrière de la gorge rendant l’accès à l’air inspiré beaucoup plus difficile aux poumons,
- une rétrognathie (menton retiré vers l’arrière),
- une migrognathie (bouche insuffisamment développée, trop petite),
- un visage enflammé et cerné, signe d’une hypoxie chronique (manque de NO),
- des tensions sur le visage,
- et des postures d’hyperextension.
Le problème de la respiration buccale…
Ces dysmorphoses faciales entrainent des dysfonctions oro-maxillo-faciales, sources de difficultés d’allaitement, de reflux, de coliques, et de pleurs dits inexpliqués. Ces bébés ont plus de difficulté à respirer en temps normal. Ils respirent par le nez avec la bouche grande ouverte. Faites-le test. Respirez par votre nez la bouche ouverte. Vous êtes en effort respiratoire donc ces bébés sont en effort respiratoire. Or cela modifie les pressions intra-thoraciques et intra-abdominales.
La respiration buccale impacte rapidement tous les organes du corps :
- Cœur = fibrillation auriculaire non valvulaire
- Dysfonction de l’endothélium vasculaire = vasoconstriction des vaisseaux et hypertension artérielle essentielle
- Asthme bronchique
- RGO et béance cardiale
… et son impact sur la santé des bébés
Ces bébés prennent très tôt la mauvaise habitude de respirer certes par le nez mais avec la bouche ouverte. Après les 6 premiers mois de vie, dès que la respiration buccale pourra se développer, elle prendra assurément le relais. Or la respiration buccale n’est pas normale et elle est délétère pour la santé.
Sans une prise en charge adaptée, ces bébés seront :
- de futurs apnéiques chroniques dès la petite enfance et à l’âge adulte,
- prédisposés à la dyslexique et aux TDHA,
- susceptibles de développer des maladies chroniques (hypertension artérielle, diabète, Alzheimer …),
- etc.
Ils seront donc dépendants de la médecine jusqu’à la fin de leur vie alors qu’ils peuvent guérir.
Autre cause de la bronchiolite : le frein lingual restrictif
Nous avons tous un frénélum : un frein sous la langue. Il s’agit d’un reste embryologique.
C’est une structure dynamique et tridimensionnelle, c’est-à-dire avec une insertion supérieure sous la langue, une insertion inférieure sur le plancher buccal, une hauteur et une largeur.
D’après l’étude de N. Mills (2019), le frein lingual est formé par un pli médian dans une couche de fascia qui s’insère autour de l’arc interne de la mandibule, formant une structure semblable à un diaphragme sur le plancher de la bouche. Ce fascia est situé sous la muqueuse buccale et fusionne au centre avec le tissu conjonctif de la surface ventrale de la langue.
Dieu merci tous les freins linguaux ne posent pas de problème.
Une mauvaise mobilité de la langue…
Le frein lingual RESTRICTIF empêche la langue de bouger suffisamment. Or ce manque de mobilité impacte toutes les fonctions oro-maxillo-faciales (succion, déglutition, mastication, respiration nasale, posture…). C’est donc l’évaluation de toutes ces fonctions et des tensions compensatoires de ces mouvements qui permet de savoir si un frein lingual est restrictif. Il existe aujourd’hui des protocoles d’évaluation bien validés par la science pour faire la part des choses.
Il est impératif de procéder à une évaluation des fonctions de la langue chez les bébés qui souffrent de bronchiolites. Un frein lingual restrictif empêche la langue de se mettre complètement sur le palais ce qui perturbe la respiration nasale.. Sa prévalence est de 19%. Un bébé sur 5 est donc concerné. Ce n’est pas une pathologie rare. Nous vous invitons à consulter l’article dédié à la prévalence des freins si vous souhaitez plus d’information.
… aux conséquences multiples
Au-delà du risque accru de bronchiolite, les freins restrictifs buccaux entraînent des difficultés d’allaitement, augmentent le risque d’apnées obstructives du sommeil, empêchent le développement normal du palais et des voies respiratoires supérieures. Ils sont également à l’origine du reflux.
Il est donc essentiel de les dépister et les traiter, si nécessaire, avec un parcours de soin multidisciplinaire et au long terme. Tout particulièrement chez les bébés ayant ou ayant eu une bronchiolite.
Leur santé future en dépend. Il est de notre devoir, en tant que professionnels de la santé, de leur proposer un parcours de soin préventif et d’intervention précoce pour leur permettre de guérir.
Une baisse générale d’immunité
J’ai relu ces derniers jours le livre de Weston Price, daté de 1936, intitulé “Nutrition et Dégénérescence physique : comparaison des alimentations primitives et modernes et leurs effets”. Tout est dit dans le titre. Ce nutritionniste américain passionné a voyagé à travers le monde pendant les années 1930 pour essayer de comprendre l’origine de la carie dentaire, des dents tordues (malocclusions dentaires) et des maladies chez l’homme moderne. Pour ce faire, il a étudié des tribus complètement isolées de la société moderne . Ces tribus avaient de grandes mâchoires, des dents parfaitement alignées et ne connaissaient pas la tuberculose.
Pourtant, dès que des aliments tels que le sucre, la farine blanche ou le lait en poudre ont été introduits dans leur alimentation, Price a noté une détérioration de la santé de ces tribus pour en conclure que les peuples primitifs exposés à l’alimentation moderne voyaient leur immunité baissée drastiquement.
Les bienfaits de l’allaitement non écourté
L’allaitement a un effet protecteur sur tous les germes en générale. C’est le cas également pour les bébés allaités atteints du virus respiratoire syncytial (RSV). Grâce aux IgA qu’il contient naturellement, le lait maternel réduit le risque de développer une bronchiolite.
Si le bébé tombe malade, l’allaitement réduira la gravité de la maladie, la durée du séjour à l’hôpital et les besoins en oxygène. Il est donc primordial de continuer à l’allaiter. La congestion nasale et l’essoufflement du bébé peuvent rendre cet allaitement temporairement plus difficile. Dans ce cas, il faut référer ces bébés et leur maman auprès des spécialistes de l’allaitement pour assurer un soutien supplémentaire.
Comment prévenir la bronchiolite ?
Idéalement, la prise en charge doit commencer bien avant la conception du bébé. Il faut d’abord traiter les troubles obstructifs du sommeil chez les futurs parents.
Favoriser une croissance maxillaire maximale…
Ensuite, il est nécessaire de dépister, diagnostiquer, et intervenir rapidement dès la naissance si le bébé présente des dysfonctions et restrictions oro-myo-faciales. Une prise en charge en équipe multidisciplinaire est recommandée jusqu’à l’âge de 15 ans, c’est à dire jusqu’à ce que l’ossification de la mâchoire soit terminée. Toutes les professions doivent être référées : les spécialistes de l’allaitement, les thérapeutes manuels, la thérapie myofonctionnelle, les médecins, les orthodontistes…
… par une intervention précoce
La croissance cranio-maxillo-faciale explose entre 0 et 3 ans. C’est donc à cette période qu’il faut soutenir l’allaitement maternelle. En effet, c’est la succion au sein et la respiration par le nez, langue au palais qui permet un développement normal. Après 3 ans, la croissance ralentit un peu, c’est à ce moment qu’il faut traiter les enfants par de l’orthodontie préventive, surtout s’ils ont des dents de lait serrées ou tordues. A l’âge de 5 ans, 85% de la face est formée. Il ne faut donc pas attendre l’arrivée des dents définitives sinon elles vont peiner à descendre par manque de place.
Chez les tout-petits, le Tummy Time, le Guppy, l’exercice de l’élévation postérieure de langue quand bébé dort sont de très bons exercices de prévention. Ils sont tous accessibles sur la chaîne youtube de l’Institut.
Le chantier est immense. Chaque professionnel de la santé, de la périnatalité, a un rôle majeur à jouer dans cette prévention, ce dépistage et ces interventions précoces. C’est en tout cas l’engagement de l’Institut Au Sein en Douceur et de SleepClinic.be. Il existe bel et bien un parcour de soin de guérison pour ces petits et leurs parents afin de leur éviter de rejoindre les trop nombreux apnéiques du sommeil souffrant de multiple co-morbidité (cardiovasculaire, métabolique, neurodégénératives, oncologiques, ophtamologiques …).
La sage-femme : première ligne de soin
La Sage-femme est LA professionnelle de référence pour la prévention et le dépistage, entre autres, des troubles respiratoires obstructifs du sommeil.
Dans le cadre de sa prise en charge MÈRE -ENFANT, en préconception chez les futurs parents, durant la grossesse ou en postpartum, elle s’assure de leur bonne santé. C’est une source énorme d’information en matière de prévention, de dépistage, de diagnostic, de conseil et d’accompagnement. Elle saura référencer à d’autres professionnels de la santé si nécessaire.
La présence de la sage-femme au sein de la famille permet de s’assurer que le nourrisson a une respiration nasale bouche fermée. Un élément incontournable pour lui éviter, par exemple, la bronchiolite ! Soutenir, accompagner au quotidien la dyade mère-enfant dans l’allaitement non écourté avec, par la suite, une alimentation solide complémentaire est également indispensable à la bonne évolution oro-maxillo-faciale du nouveau-né / du nourrisson puis du bambin .
La Sage-femme a une formation médicale (art de guérir) et paramédicale (art de soigner). Elle joue un rôle incontournable et qualitatif au sein de la famille qu’elle va accompagner pas à pas jusqu’au 1 an de l’enfant, voire au-delà si elle a les compétences d’une consultante en lactation IBCLC.
Conclusion
Le virus de la bronchiolite n’est qu’une petite goutte d’eau qui fait déborder un vase bien rempli chez des bébés déjà en difficultés respiratoires.
Il est grand temps de proposer un dépistage précoce et une prise en charge des dysfonctions et restrictions oro-myo-faciales et ce jusqu’à l’âge de 15 ans. Il est de notre devoir de proposer un parcours de prévention et d’interventions précoces qui mènera à la guérison.
Si vous souhaitez en savoir plus, retrouvez-nous le premier mercredi du mois de 18h à 19h (heure Paris/Bruxelles) pour les Mercredis Santé Globale et Sommeil avec l’équipe de SleepClinic.be ou à travers nos formations, classes et conférences.
Références
Mills, Nikki, et al. “What is a tongue tie? Defining the anatomy of the in‐situ lingual frenulum.” Clinical Anatomy 32.6 (2019): 749-761.
Price, Weston A., and Trung Nguyen. Nutrition and physical degeneration: a comparison of primitive and modern diets and their effects. EnCognitive. com, 2016.
Jang, Min Jeong et al. “Positive association of breastfeeding on respiratory syncytial virus infection in hospitalized infants: a multicenter retrospective study.” Clinical and experimental pediatrics vol. 63,4 (2020): 135-140. doi:10.3345/kjp.2019.00402
https://www.sleepclinic.be/documentation/
https://www.sleepclinic.be/media/publications/
https://www.caducee.net/DossierSpecialises/pediatrie/bronchiolite.asp
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