Beaucoup d’informations circulent autour des freins restrictifs buccaux. C’est pourquoi nous souhaitons partager les caractéristiques principales d’une prise en charge optimale avec les professionnels de santé. Les frénectomies sont parfois pratiquées sans suivi avant l’intervention et/ou après l’intervention. Or la frénectomie n’est qu’une infime partie de la prise en charge.
Qu’est-ce qu’un frein restrictif ?
Le frein de langue est un reste de tissu embryologique de la ligne médiane entre la surface de la langue et le plancher de la bouche. Il est “restrictif” lorsqu’il empêche les mouvements complets de la bouche et de la langue. Il existe également des freins de lèvre qui ont la même origine, ainsi que des freins de joue, qui peuvent aussi être restrictifs.
Le frein est issu d’une apoptose cellulaire (séparation par destruction cellulaire) qui se produit entre la 4e et la 5e semaine de grossesse. A 8 semaines, l’embryon est totalement terminé et à la 12e semaine, c’est la fonction de déglutition qui commence. Il faut donc bien se rendre compte que les difficultés de mobilisation peuvent déjà être présentes et les différentes fonctions de la langue altérées dès ce moment. Le fœtus va se construire autour de cette restriction amenant de multiples tensions. Le frein est un fascia composé de collagène de type 1. Il n’est donc pas élastique. C’est une des raisons pour lesquelles l’évaluation des freins buccaux doit se faire de façon extrêmement complète.
Tensions et compensations liées au frein restrictif
Cette évaluation doit être conduite à la fois au niveau structurel, mais aussi au niveau fonctionnel, non seulement de la bouche, mais aussi de tout l’aspect crânio-maxillo-facial. Il faut également s’intéresser à la posture corporelle jusqu’au bout des pieds pour identifier les tensions et compensations mises en place. En effet, l’humain utilise toutes sortes de stratégies pour arriver à faire ce qui est nécessaire pour répondre à ses besoins de base. Ces stratégies peuvent entraîner des tensions vers d’autres endroits du corps. Par exemple : avancer la tête pour avaler, fermer les yeux pour déglutir, tourner la tête d’un côté pour permettre à la langue de nettoyer les dents de l’autre côté pendant que l’on mange, etc.. Pour toutes ces raisons, une évaluation des freins restrictifs et des restrictions buccales demande beaucoup de rigueur et de temps.
Evaluation des freins restrictifs buccaux
Idéalement, les éléments listés ci-dessous doivent faire partie de l’évaluation.
Une anamnèse très complète partant de la pré-conception jusqu’à la consultation.
Cette anamnèse doit faire référence à des difficultés éventuelles chez les ascendants et la fratrie (questions sur des difficultés d’allaitement et/ou d’alimentation, d’élocution, troubles d’oralité, traitements orthodontiques, extraction de dents pour faire de la place, respiration buccale, apnée du sommeil, ronflements, troubles orl chroniques, séances d’orthophonie …). Ce n’est pas un seul symptôme qui va nous orienter vers une possible restriction buccale mais un ensemble de symptômes. Cette anamnèse est donc primordiale.
Une évaluation anatomique de la cavité buccale et des freins avec douceur et patience.
Il faut parfois plusieurs consultations, surtout s’il y a une hypersensorialité au niveau du visage, voire du corps entier.
Une évaluation de la mobilité linguale et des tensions, compensations observées,
Cela est prioritairement réalisé en présentiel à l’aide de photos et de vidéos, pour mieux analyser, à l’aise, certains items. S’il s’agit d’un bébé, cet examen doit être conduit avec l’acceptation du bébé, sans pleurs, sans “forcing intra-buccal”, avec un accompagnement verbal de l’enfant et, au besoin, en plusieurs consultations. S’il s’agit d’un enfant, on peut le faire participer à l’évaluation de manière ludique. Si l’évaluation ou le diagnostic (cela dépend des professionnels concernés) de freins restrictifs se confirme, un parcours d’accompagnement devra être proposé aux parents.
Un parcours d’accompagnement pour les parents
Celui-ci comprendra :
Des exercices de massage du visage, du cou et de la tête
Commencer par le corps si le bébé n’accepte pas de contact au niveau du visage. L’intra buccal ne sera fait qu’à la fin.
Des exercices en intra-buccal sous forme de jeux
Ils visent à assouplir les tissus autour des freins (n’oublions pas les freins ne s’étirent pas). Cet assouplissement permettra de bien isoler les freins des autres structures, de renforcer le travail du thérapeute manuel et ainsi de faciliter une éventuelle frénectomie lorsque le moment sera venu.
Des exercices en intra et extra-buccal
Ces exercices seront proposés pour faire travailler la fonction de la langue. Ils visent à habituer la langue à bouger dans toutes les directions et à mettre en place une respiration nasale, bouche fermée et langue collée au palais.
Des exercices de mobilisation globale du corps
Ils permettent de détendre toutes les zones de compensation et aident l’enfant à avoir une aisance gestuelle plus ample. Pratiquer notamment le Tummy Time (mobilisation de bébé sur le ventre) et le Guppy (tête en arrière) qui apportent une détente des muscles du cou.
Une prise en charge multidisciplinaire des freins restrictifs
L’équipe pluridisciplinaire pour la prise en charge des freins peut inclure :
- Un thérapeute manuel pour un travail sur les tensions qui doit faire l’objet d’un suivi régulier. En effet, avant la frénectomie, les tensions vont avoir tendance à revenir. Pour qu’elles ne s’aggravent pas, le travail du thérapeute manuel est essentiel.
- Un orthophoniste pour la prise en charge des bébés ayant un trouble de l’oralité, un réflexe nauséeux exacerbé, une langue hypotone…. Selon les cas, cela permet d’améliorer certaines fonctions de la langue.
- Un spécialiste en rééducation oro-myo-fonctionnelle lorsque les difficultés sont plus importantes.
- Une consultante en allaitement certifiée IBCLC qui s’occupe des bébés allaités mais aussi des bébés non-allaités. Cela assure la prise en charge du maintien de la lactation face à un bébé ayant un trouble de succion ( type frein). La consultante peut aussi s’assurer d’une bonne prise de poids avant l’intervention et, si cela est nécessaire, trouver une alternative d’alimentation correspondant aux parents et qui soit la plus physiologique possible. Cela est nécessaire pour un bébé allaité ou non. La consultante revoit également les exercices préparatoires à la frénectomie. Dans tous les cas, un bébé doit avoir eu une consultation avec une consultante en lactation IBCLC avant l’intervention.
- Un spécialiste médical : dentiste/stomatologue/ORL qui pratiquera l’acte.
Il est important de retenir que l’on ne peut pas faire une évaluation des freins en 15 minutes. En effet, il ne suffit pas qu’un bébé tire la langue et prenne du poids pour conclure qu’il n’y a pas de frein restrictif. Par ailleurs, une simple photo ne permet pas d’évaluer la présence ou non d’un frein restrictif.
Avant la frénectomie
Nouvelle évaluation
Quelques jours seulement avant la frénectomie, nous conseillons de faire une nouvelle évaluation afin de vérifier que le bébé / enfant, ainsi que ses parents, soient prêts. Si cela n’est pas le cas, il faut repousser le rendez-vous d’intervention. Lors de cette évaluation, il est important de vérifier que :
- Le(s) frein(s) soit(ent) bien isolé(s), le bébé réceptif aux exercices, sans signe d’hypersensorialité ou de réflexe nauséeux, sans pleurs ni recul, le RGO éventuel stabilisé et que bébé n’ait pas reçu de vaccin récemment.
- Les exercices se font de façon fluide (et ludique).
- Les parents peuvent être disponibles à l’investissement nécessaire à la frénectomie.
Revoir le thérapeute manuel
Cela permet de s’assurer que les tensions, revenues depuis le dernier traitement, soient à nouveau relâchées. Cela est important pour que toutes les structures puissent bouger le plus librement possible une fois les freins restrictifs libérés.
Etablir un programme de suivi rapproché avec les parents
Ce suivi rapproché implique une consultation pour :
- vérifier l’état de la cicatrisation,
- accompagner les parents : sont-ils à l’aise avec les exercices ? ont-ils remarqué des changements ? arrivent-ils à s’adapter avec bébé ?
- s’assurer que les exercices sont faits correctement et les adapter selon les circonstances.
Entre deux consultations, il est nécessaire d’établir un suivi de communication par téléphone, sms, email ou vidéo pour voir l’évolution du diamant, de l’état général de bébé, son alimentation… et de rester disponible en cas de difficulté. Enfin, il est important de s’assurer que les parents ont un programme anti-douleur et quelques astuces pour faciliter la récupération de bébé (peau-à-peau, bains, massages, glaçons de lait maternel, eau…).
Pendant et après la frénectomie
Lors de l’intervention
Proposer un environnement calme, détendu, avec une lumière tamisée est essentiel car cela facilitera la production d’ocytocine par la maman et par conséquent la première mise au sein, immédiatement après la frénectomie. Un biberon sera donné tout de suite si la maman n’allaite pas. L’accompagnement d’une IBCLC est fortement conseillé pendant l’intervention. Si elle ne peut pas être présente, elle doit être disponible par téléphone durant la journée. Enfin, il est nécessaire de laisser du temps aux parents après la frénectomie pour qu’ils puissent poser l’ensemble de leurs questions avant leur départ.
Après la frénectomie
Le suivi post frénectomie est également très important. Il est nécessaire qu’il soit assuré avec les mêmes professionnels pour un suivi optimal. Cela ne pose pas de problème lorsque les rendez-vous nécessaires ont été coordonnés et pris avant la chirurgie. Il est essentiel de prévoir un suivi à long terme et de revoir régulièrement la famille afin de trouver les meilleures stratégies lors de la croissance de l’enfant. La communication peut aussi se faire par message avec un des professionnels ayant pris le bébé en charge.
Cette procédure est valable également pour les enfants plus grands , les ados et les adultes. Il faut cependant garder en tête que plus la frénectomie se fait tardivement, plus la préparation et le suivi post intervention demandent du temps. En effet, un grand nombre de compensations s’installent et se renforcent avec l’âge.
Pour les enfants plus grands et les adultes, il faudra également faire un bilan ORL mais aussi avec un orthophoniste et un podologue posturologue.
En effet, le bilan ORL permet de vérifier qu’il n’y a pas d’obstruction à la respiration nasale (ne pas négliger la piste allergique). Tandis que le bilan orthophoniste permet de s’assurer d’une respiration nasale, d’une déglutition correcte et qu’il n’y a pas de trouble de l’oralité.
Ensuite, un travail est fait pour améliorer au maximum les fonctions en amont de la frénectomie. Enfin, le podologue constate les compensations corporelles de la posture. Il travaille en collaboration avec le thérapeute manuel afin d’éviter une dégradation du rachis.
Pour conclure
Vous l’aurez compris, les freins restrictifs buccaux relèvent, à tout âge, d’une prise en charge pluridisciplinaire. Les tensions créées par les restrictions peuvent altérer un développement optimal et créer des compensations. Par exemple : de l’inconfort, des douleurs et un fonctionnement corporel inadéquat. N’oublions pas que les freins ont leurs fascias interconnectés les uns aux autres, de la tête aux pieds. Article coécrit par Lynda Pourchet, Conseillère en allaitement ICBLC et Dominique Porret, sage-femme.
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Si vous êtes un professionnel de la santé intéressé par la problématique des freins restrictifs, découvrez la formation Les Freins restrictifs buccaux : au-delà de l’allaitement.
Source : Bordoni B, Myers T (February 24, 2020) A Review of the Theoretical Fascial Models: Biotensegrity, Fascintegrity, and Myofascial Chains. Cureus 12(2): e7092. doi:10.7759/cureus.7092
VIGOT :
Bonjour,
L’affiche de M. Myers est peu lisible sous ce format (trop petit). Peut-on la trouver ailleurs ?
Merci
Marie Winter :
Bonjour
Merci de votre commentaire.
Voici les références de l’article dans lequel cette image a été publiée. Elle y figure en plus grand : Bordoni B, Myers T (February 24, 2020) A Review of the Theoretical Fascial Models: Biotensegrity, Fascintegrity, and Myofascial Chains. Cureus 12(2): e7092. doi:10.7759/cureus.7092
Bonne lecture
luisoni nathalie :
Bonjour, doit-on forcement attendre de mettre en place une prise en charge pluridisciplinaire globale, sachant les impératifs des différents thérapeutes, suivi de semaines, voire de mois de traitement, lorsque l’on sait que le nouveau-né de quelques jours, a un frein restrictif de type 1 et que sa section améliorerait de manière significative les douleurs et les blessures chez la maman, la prise de poids du bébé et ses tensions?
Isabelle Cote :
Bonjour Nathalie, merci beaucoup pour votre message! La préparation à la freno est en effet primordiale.
Maintenant, tout dépend du type de frein.
Si c’est un frein très antérieur qui peut nuire à l’allaitement, c’est-à-dire avec crevasses, etc, il peut y avoir une freno en deux temps:
1/ libérer un peu la langue afin que le bébé puisse au moins recouvrir avec sa langue la gencive inférieure
2/ expliquer au parents que la section a été partielle, qu’il faut faire les exercices pour faire une freno totale ultérieurement
Comme c’est un bébé allaité, en première intention un consultation avec une IBCLC.
J’espère que cela vous aide!
Margot :
Bonjour
Merci beaucoup pour ces informations
Nous avons effectué une frenectomie aux 6 semaines de mon fils. Nous avons fait des exercices pré et post frenectomie. J’essaye régulièrement de lui refermer la bouche lorsqu’il dort, malheureusement à 7 mois il dort encore la bouche ouverte.
Je suis inquiète car j’ai l’impression malgré l’allaitement et la frenectomie, que les choses ne s’améliorent pas
Que faire afin d’aider le bébé à mettre sa langue au palais une fois la frenectomie faite ? Quel est le délai pour voir une amélioration?
Merci beaucoup
Isabelle Cote :
Merci pour votre message. Vous pouvez aller sur la page Facebook de l’Institut et regarder cette vidéo https://www.facebook.com/auseinendouceur/videos/474800327362411